Donc l'oignon fait la soupe

comme l'union fait la force

 

j'ai une cops, JUBI elle s'appelle

elle est morte affamée, seule, contre la porte de son propre garage

 

elle était vieille, avait le poil rare et rèche, elle était pleine de puces et sentait mauvais, ses patrons voulaient pas la laisser entrer, c'était l'hiver, elle avait plus la force de courir derrière les mulots, d'ailleurs, ils étaient tous planqués les rongeurs

les enfants de la maison n'avaient plus le droit de la caresser, d'avoir pitié d'elle, depuis des années elle avait droit à quelques croquettes, à l'extérieur, à heure très fixe, sur le rebord de la fenêtre, elle miaulait de plus en plus faiblement, mais ça cassait encore trop les oreilles de ses patrons

 

elle a tenu jusqu'au bout, elle voulait apercevoir les enfants, du moins un peu

 

elle se souvenait de la vieille grand-mère malade qui avait été rayée de l'univers parce que la maladie c'est pas beau

elle existait loin d'eux, avec son mari

 

JUBI, elle la voyait très peu, et pourtant cette femme, qu'est-ce qu'elle lui avait donné de caresses et d'amour, oh, de brefs instants, lorsqu'elle apparaissait comme une ombre mendiante une fois par saison

cette femme, elle le sait, son coeur saignait de voir JUBI si maltraitée, mais elle ne pouvait trop l'approcher, la caresser, la nourrir, la rassurer, car elle craignait d'être vilipendée pour avoir transgressé les ordres de ses enfants envers la chatte, et d'être maltraitée elle-même davantage, et chassée, bannie, les seules fois où elle obtenait d'approcher ses petits enfants.

 

Au moment de mourir, JUBI, elle n'avait plus de souvenirs du tout, la grand-mère, elle n'y pensait plus

 

mais moi, SMINE, je sais que cette grand-mère là, elle garde toujours le souvenir de JUBI, elle ne l'oublie pas, elle s'émeut encore du triste sort qui lui fut dévolu

alors parfois, je lui en parle à JUBI de cette grand-mère là, et elle en miaule de tendresse et de bonheur.

 

JUBI m'a dit: "sans amour on ne peut plus vivre, on ne vit pas que pour soi!"

 

 

SMINE, mémoir ambulatoire des pauvres et des petits